Du cinéma à l’économie circulaire : entretien avec la lauréate de la Bourse Léopold-Beaulieu en innovation durable
Marie Bellemare est doctorante en génie industriel à l’École Polytechnique de Montréal et lauréate de la Bourse Léopold-Beaulieu en innovation durable, une bourse créée par Fondaction pour souligner son 25e anniversaire. Cette bourse est remise par Fondaction en collaboration avec le Centre interdisciplinaire de recherche en opérationnalisation du développement durable (CIRODD).
En avril dernier, Fondaction lançait l’appel de candidatures et parmi toutes les candidatures de qualité reçues par le jury, c’est celle de Marie Bellemare qui s’est démarquée. Pour son projet de recherche, qui porte sur l’économie circulaire et qui s’inscrit dans le concept d’innovation durable, tel que défini et balisé par le CIRODD, Marie bénéficie d’un budget de 25 000 $ sur une durée de 3 ans.
Fondaction – Vous avez choisi de concentrer vos recherches sur l’économie circulaire. Sur quel aspect en particulier ?
Marie Bellemare – Dans le cadre de ma thèse, je m’intéresse aux pratiques circulaires dans le secteur canadien de l’alimentation. On le sait, les ressources sont limitées et on n’a pas le choix : on doit passer d’un système linéaire (on extrait les ressources, on consomme et on jette) à un système circulaire. Inciter à plus de réutilisation et de recyclage est un bon début, mais il faut également s’assurer que la mise en place de nouvelles pratiques d’apparence vertueuse ne viendra pas déplacer le problème à un autre niveau du cycle de vie du système de production-consommation.
Pour cela, j’ai réfléchi à un projet de recherche multidisciplinaire, basé sur une approche de réflexion conceptuelle combinée à l’analyse du cycle de vie. La réflexion conceptuelle est une approche créative de résolution de problème qui repose sur l’empathie et l’écoute et qui permet de sortir des sentiers battus pour générer des solutions innovantes. Cet outil rendrait possibles la mise en place de modes de consommation et de production durables et l’évaluation des retombées sociales et environnementales. La première phase du projet a déjà commencé et devrait se terminer en mars 2022. Grâce à la Bourse, je vais réaliser la seconde phase du projet, à compter de septembre 2022, puis une période d’études de cas tout au long de l’année 2023.
Mes travaux vont générer des connaissances scientifiques sur les bénéfices environnementaux, sociaux et économiques de l’implémentation du zéro déchet souligner l’intérêt des approches multidisciplinaires, comme la réflexion conceptuelle et l’analyse du cycle de vie, dans ce domaine de recherche. Sur le plan pratique, l’impact notable de la recherche que je mène sera de documenter l’application concrète de l’économie circulaire auprès d’entreprises du secteur alimentaire.
Fondaction – Vous vous passionnez pour l’économie circulaire, et le moins qu’on puisse dire, c’est que votre propre parcours n’a rien de linéaire. Racontez-nous.
M.B. – J’ai en effet un parcours plutôt atypique. Après mon baccalauréat en Design industriel à l’Université de Montréal en 2009, j’ai poursuivi avec une maîtrise en Sciences appliquées en aménagement, option Design & Complexité (DESCO) en 2011. C’est à cette époque que j’ai suivi un cours optionnel à l’École Polytechnique de Montréal pour me perfectionner dans l’analyse du cycle de vie (ACV) dans différents domaines. C’est ce parcours qui m’a menée à l’écoconception et l’économie circulaire. Mais avant cela, j’ai pu travailler pour des productions de films, publicités et théâtre durant 14 ans grâce à la formation en Théâtre professionnel, conception et technique reçue au Cégep de Sainte-Thérèse.
Mon parcours, c’est la somme de plusieurs choses, mais je dirais que rechercher des solutions innovantes à des problèmes complexes liés au développement durable me permet de concilier créativité et un alignement avec mes valeurs de respect de l’environnement et des personnes.
Fondaction – La bourse Léopold-Beaulieu récompense l’innovation durable. En quoi ce concept est-il si important pour vous ?
M.B. – Lorsque je travaillais dans le domaine artistique comme pigiste, j’ai occupé différents postes (accessoiriste, maquettiste, chef d’atelier, technicienne spécialisée à la patine, habilleuse, costumière et assistante ou conceptrice pour les décors et costumes). Bien que j’aie pu mettre à profit ma créativité pour relever des défis face à des projets qui imposaient de rechercher le moindre coût possible, je me souviens que l’aspect éphémère des choses me dérangeait énormément. Puis en design industriel, c’est l’aspect consommation sans prise en compte durable des retombées environnementales, sociales et économiques que j’ai trouvé gênant.
Mon projet final de baccalauréat en écoconception, basé sur l’outil d’analyse du cycle de vie selon la norme reconnue ISO 14040-44, m’a permis d’adopter une vision plus large en matière de conception. Elle prend en considération tout le cycle de vie du produit, de l’extraction jusqu’à sa fin de vie, car on tient compte de la production, du transport, de l’énergie consommée, etc. Cette manière de concevoir un produit, cette idée de créer quelque chose qui a un impact positif, correspond plus à mes valeurs et à ce que j’aime faire aussi.
Dans ce domaine en émergence, j’ai également pris conscience qu’il est crucial d’offrir de nouveaux services, particulièrement auprès des entreprises pour les accompagner dans cette transition. Je me suis donc spécialisée en écoconception et j’ai poursuivi cette activité en tant que consultante avant de revenir aux études cet automne pour me perfectionner sur les questions de circularité, avec ma thèse et mon projet de recherche.