Le développement durable comme levier de croissance pour votre entreprise
Augmentation de la productivité, innovation des procédés, réduction des coûts de fonctionnement et d’exploitation des ressources, diminution du transport, baisse du taux de roulement, amélioration de la mise en marché… Bienvenue dans le quotidien des entrepreneurs qui ont choisi d’intégrer le développement durable au plan de croissance de leur PME. En prime, les employés, gestionnaires et propriétaires voient alors tous leur niveau de satisfaction au travail augmenter.
Les avantages pour une PME de participer à la transformation positive de l’économie par le développement durable sont donc bien réels. Ils sont également avantageux pour la société tout entière : les PME sont à l’origine de 70 à 80 % des effets négatifs sur l’environnement et de 60 % des déchets commerciaux, selon les auteurs d’un ouvrage collectif publié au Presse de l’Université du Québec. Leurs activités ont des impacts majeurs dans les domaines du bâtiment, du transport et des processus industriels. Or, là où il y a des impacts négatifs, il y a des opportunités de changement. Les entreprises doivent-elles se contenter de réagir en fonction des normes réglementaires qui évoluent ou devraient-elles être plus proactives ?
Des occasions de changement à saisir
Répondre au déficit technologique, utiliser la robotisation à bon escient, aborder la main-d’œuvre sous l’angle du capital humain, miser sur l’écoconception et l’économie circulaire sont autant de pistes que les entreprises peuvent explorer pour ouvrir de nouvelles perspectives de croissance et assumer une plus grande part de responsabilité sociétale.
C’est pour discuter d’expériences probantes réalisées par des entreprises d’ici et cerner la valeur ajoutée du développement durable pour les PME et leurs employés que Paul Villemaire, directeur de portefeuille principal à Fondaction et son collègue Gabriel Brice, conseiller en responsabilité sociétale, ont animé un atelier dans le cadre du Colloque PME organisé par la Chambre de commerce de l’Est de Montréal, le 22 octobre dernier. Une quarantaine d’hommes et de femmes entrepreneurs ont alors pris connaissance de nouvelles occasions d’affaires en développement durable et partagé leurs pratiques gagnantes.
Savoir transformer ses valeurs en principe et ses principes en actions
Les trois piliers du développement durable, l’économique, le social et l’environnemental, ne sont pas que des principes au sein d’une entreprise engagée dans cette voie. Ils se déclinent de manière bien concrète dans des pratiques internes comme les salaires (le pilier économique) ; la gestion collaborative, la conciliation travail-vie personnelle (le pilier social) ; la performance écoénergétique du bâtiment, la gestion des matières résiduelles (l’environnement), pour ne citer que ces exemples.
Sur le plan des conditions salariales, l’un des dirigeants de Sièges Ducharme a partagé son expérience qui a notamment consisté à monter les salaires de 30 à 35 % pour baisser, au bout du compte, le coût de la main-d’œuvre de 30 %. Bien qu’apparemment contre-intuitive, cette hausse des salaires, associée à l’amélioration des techniques de production mises en place avec le concours des employés, a permis à la PME de Saint-Léonard d’avoir un impact décisif sur la rétention des membres de son équipe et sur la productivité. En l’intégrant à une approche de gestion globale, la politique salariale a également eu pour effet la réduction des frais affectés au recrutement, à la formation de la main-d’œuvre et au recours à la sous-traitance.
Pour sa part, le propriétaire de GIT a raconté comment le fait d’avoir des horaires plus flexibles permettant de débuter la journée de travail à 6 heures a permis à ses employés de passer moins de temps dans la circulation et davantage de temps auprès de leur famille ; le retour à la maison coïncidant avec la fin des classes des enfants.
Un autre exemple qui fut abordé est celui de Solar Uniquartier. Ce grand projet de Devimco combine les besoins résidentiels aux besoins d’affaires tout en favorisant les espaces verts, le transport actif et le déploiement de solutions techniques. La boucle énergétique (récupération de chaleur) qui alimentera les bâtiments est devenue le principal argument de vente du projet. Nul doute que cet élément attractif qui mobilise les acheteurs aujourd’hui sera porteur de sens pour les employés et la clientèle des entreprises qui s’y installeront demain.
Un management aussi inspiré qu’inspirant
Pour le conférencier canadien Bob Willard, spécialiste du développement durable et des enjeux organisationnels depuis plus de 20 ans, les principes du développement durable sont des éléments de motivation supplémentaire pour les employés. Selon cet ancien haut dirigeant d’IBM Canada et auteur de l’ouvrage The Sustainability Advantage, le fait pour les employés de se reconnaître dans une telle vision du monde mise de l’avant et appliquée par l’entreprise serait suffisant pour que la productivité de 20 % d’entre eux fasse un bond de 25 %. La prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux par les entreprises est, toujours selon l’auteur, un facteur considéré par plus de 80 % des nouveaux diplômés. Il s’agit d’un aspect essentiel à considérer, a fortiori en période de plein emploi. C’est d’ailleurs dans la même proportion (83 %) que les salariés de ces entreprises affirment que le développement durable leur inspire de la loyauté ; une valeur qui fait baisser le taux de roulement de 25 % dans ces milieux.
Des opportunités d’affaires rentables à tous points de vue
Si une approche proactive qui épouse les principes du développement durable (sans être à la remorque des pressions réglementaires) s’avère payante du point de vue de la gestion des ressources humaines quand elle émane de la direction, elle l’est également du point de vue des processus de production, du transport et de la mise en marché. En fait, certaines pratiques sont des occasions d’affaires en elles-mêmes. C’est le cas de plusieurs entreprises citées en exemple par les conférenciers de Fondaction.
Groupe C. Laganière
Groupe C. Laganière a développé un projet exemplaire dans l’est de Montréal : le Complexe Environnemental Montréal-Est (CEME). Avec l’aide de Fondaction, l’entreprise a acquis des terrains de l’ancienne raffinerie Shell afin d’y implanter le plus vaste centre de réhabilitation de sols contaminés au Québec. Le CEME utilisera la chaleur produite en trop par l’usine voisine, Parachem, pour poursuivre le processus de bioremédiation du sol durant l’hiver, ce qui permet également de maintenir des emplois durant toute l’année. Une fois décontaminés, les sols seront utilisés pour revaloriser et reverdir le site de 10 millions de pieds carrés de l’ancienne raffinerie et serviront aussi pour le remblai progressif de la carrière de Lafarge, attenante au site, ce qui contribuera à la transformation d’une cicatrice industrielle en réaménagement durable du territoire tout en réduisant le transport par camion et les émissions de GES.
Usinage BDCM
Autre exemple d’un succès économique reposant sur la circularité : Usinage BDCM revalorise les mandrins de carton en provenance de l’usine Domtar de Windsor. L’entreprise a mis au point une technique permettant de produire, à partir de sections de rouleaux récupérés, un mandrin de 25 pieds ayant 5 pouces de diamètre aussi long et solide qu’un original.
Ces mandrins sont revendus à la papetière qui les utilise pour le bobinage du papier fin. Cette innovation donne lieu à une boucle industrielle qui inclut le tri des extrants provenant de l’usine Domtar, l’usinage des mandrins et le compactage des autres déchets du papier aux fins de recyclage sélectif.
Les Viandes biologiques de Charlevoix (VBC)
L’entreprise VBC s’est relevée d’un incendie et a pu se reconstruire à travers une approche utilisant la Biomasse. Avec la revalorisation que l’entreprise fait de l’okara, ce qui était un résidu de soya peut aujourd’hui être asséché plus efficacement grâce à la biomasse, elle-même extrant de l’industrie forestière. L’okara a une grande valeur nutritive et est, une fois asséché, intégré à l’alimentation des bêtes. Un tel processus de production qui repose sur une stratégie circulaire illustre aussi très bien la portée économique du développement durable.
Dernier exemple, portant celui-là sur la mise en marché, les Équipements récréatifs Jambette a réévalué ses procédures d’emballage des modules de jeu, ce qui lui a permis de cibler les pratiques déficientes et de diminuer sensiblement sa consommation de matériel. L’entreprise a ainsi pu réduire de 6 000 kg sa consommation annuelle de matériel d’emballage, ce qui lui permet d’économiser 10 000 $ chaque année.
Une réflexion productive
On le voit, le développement durable est loin d’être une tendance passagère. Que ce soit en raison des préoccupations des consommateurs et des jeunes, des changements technologiques ou des risques climatiques, le développement durable touche directement les PME. Il est probable que la réflexion amorcée par les participants de cet atelier-conférence guidera leurs choix et ceux d’autres dirigeants et dirigeantes d’entreprises désirant gérer le changement de manière inspirante et participer de manière positive à la transformation de leur milieu.