Ils font pousser du café sous les arbres (et c’est bon pour la planète et la communauté)
Ça y est, après quelques semaines de délai dues à la COVID-19, la construction du moulin à café vert a commencé dans l’agglomération de Jaén, au nord-ouest du Pérou. Propulsé par Urapi Gestion durable des sols, un fonds capitalisé en grande partie par Fondaction et le Fonds LDN, le projet Café Selva Norte transforme l’environnement et la vie de cette communauté rurale.
La première pelletée de terre a eu lieu le lundi 8 juin et les travaux devraient durer six mois, de sorte que la mise en service du moulin se fera à temps pour la récolte de mai 2021.
Au moulin, les grains de café parche (c’est-à-dire non torréfié) seront décortiqués, polis et triés. Cela créera 25 emplois permanents et rendra la communauté qui gravite autour du projet de Café Selva Norte encore plus autonome, en permettant l’exportation du café biologique de Jaén. De plus, ce moulin sera le seul au nord du Pérou à pouvoir traiter des micro-lots de cafés parche, peu importe le procédé de dépulpage/fermentation/séchage employé.
Préserver les sols, tripler les revenus des caféiculteurs
« Café Selva Norte est un projet de restauration de terres dégradées et de gestion durable des sols dans le nord du Pérou impliquant six coopératives de caféiculteurs. Il vise notamment l’amélioration des conditions de vie de 2 500 producteurs », note Karina Santana, directrice générale des opérations et co-fondatrice d’ECOTIERRA. C’est à cette entreprise de Sherbrooke, gestionnaire du fonds URAPI, qu’on doit le développement d’une approche révolutionnaire d’agroforesterie durable et l’opération du projet Café Selva Norte.
Karina Santana en discussion avec un producteur
La culture du café sous les arbres présente plusieurs avantages sur le plan écologique. Remplaçant des pratiques non durables telles que la culture sur brûlis ou culture migratoire, cette approche d’agroforesterie durable réduit drastiquement les émissions de gaz à effet de serre et freine la dégradation des sols dans la région. En ajoutant à la culture du café sous les arbres un volet reboisement, le projet Café Selva Norte a permis pour la seule année 2019-2020 de financer la plantation de 200 hectares en systèmes agroforestiers et en forêts.
Géré de manière coopérative, Café Selva Norte renforce également le tissu social en assurant une rétribution équitable des petits producteurs, dont les revenus augmenteront de plus de 300 % grâce au projet.
Un outil de mesure d’impact qui suscite l’intérêt des distributeurs
Certifiés ou en cours d’une certification biologique, les producteurs du projet Café Selva Norte utilisent le procédé lavé à 80 % pour transformer les cerises de café en grains verts. 10 % des producteurs utilisent un procédé dit naturel et 10 % un procédé hybride appelé miel. Les producteurs qui utilisent le procédé lavé recourent à des réservoirs de lavages pour réduire la quantité d’eau requise et à des puits de décantation des eaux de lavage pour éviter de contaminer les bassins versants. Dans tous les cas, les efforts de réduction de l’empreinte environnementale sont valorisés par ECOTIERRA avec la création d’ElevaFinca, un modèle d’approvisionnement unique qui fournit des données sur les impacts sociaux, environnementaux et économiques du projet ainsi que sur la traçabilité du café, de la coopérative au distributeur, ce qui inclut la compensation carbone pour le transport du café.
Réservoir de lavage du café permettant une économie d’eau
ElevaFinca a été présenté par webinaire à la majorité des grands acheteurs de cafés européens, soit plus de 100 participants. Ceux-ci représentaient les principaux courtiers et torréfacteurs du monde : Nestlé, Nespresso, Starbucks, JDE, Paulig, Tchibo, Lavazza, Taylors of UK, Olam, Hacofco, Dreyfus, BeGreen Trading, Efico et plusieurs autres. L’intérêt manifesté est très encourageant, non seulement pour le projet Café Selva Norte, mais aussi pour l’évolution souhaitable de l’industrie et du marché.
Récolter au temps de la COVID
Les six coopératives qui regroupent les nombreux petits producteurs ont été frappées de plein fouet par la crise de la COVID. Peu habitués à travailler virtuellement, les travailleurs des coopératives ont dû rapidement opter pour de nouvelles méthodes de travail, tandis que les producteurs membres ont mis en place des protocoles sanitaires et puisé dans une forme d’entraide ancestrale afin d’assurer la récolte qui débutait au mois de mai.
Les coopératives ont créé des groupes Whatsapp, misé sur le bouche-à-oreille à deux mètres de distance et parfois même utilisé des véhicules munis de haut-parleurs pour transmettre des informations clés comme les horaires de collecte du café auprès des membres-producteurs afin d’éviter les rassemblements.
Livraison des plants aux fins de reboisement
Habituellement, la récolte du café est assurée par des travailleurs péruviens itinérants, mais le confinement limite considérablement les déplacements d’une région à une autre. La présence de Rondas, des organisations volontaires de patrouilles de sécurité qui se donnent également pour mission d’éviter la propagation du virus, est aussi fortement dissuasive. Les producteurs ont dû en conséquence revenir à une ancienne forme de coopération et organiser des minkas, ce qui en langue quechua correspond à une tâche communautaire, pour procéder à la récolte.