Biocarburants et biogaz : une valorisation énergétique transformative
La consommation mondiale d’éthanol a atteint un record de 102 milliards de litres en 2017, selon la Renewable Fuels Association, qui représente l’industrie de l’éthanol aux États-Unis. L’essor des carburants de remplacement est alimenté par la nécessité de réduire la dépendance au pétrole et les émissions de gaz à effet de serre, d’une part, et d’augmenter la diversité énergétique, d’autre part afin de répondre aux problèmes environnementaux les plus urgents. C’est le type d’information qu’on retrouve sur le site d’Enerkem, une entreprise québécoise de biocarburant particulièrement novatrice dans laquelle Fondaction investit.
En janvier 2018, déjà 66 pays avaient établi des normes ou des objectifs pour augmenter les proportions de biocarburants dans l’essence et le diesel. Le nombre de ces pays croît chaque année, en même temps que la demande de biocarburants dans ces nouveaux marchés.
C’est dans ce contexte de transition énergétique et avec la ferme intention d’y contribuer que Fondaction intervient, en développant des solutions financières innovantes et en investissant dans différentes initiatives dans le domaine des technologies propres.
Des innovations structurantes
Par exemple, si Fondaction investit dans Enerkem depuis 2011, c’est que cette entreprise fabrique de l’éthanol à partir de matières résiduelles au lieu de sources traditionnelles comme le maïs ou la canne à sucre et ce, à un coût moindre comparativement à celui des autres méthodes de production d’éthanol. L’éthanol ainsi produit par Enerkem est un carburant renouvelable, non toxique, soluble dans l’eau et facilement biodégradable. Il présente un indice d’octane élevé et permet une meilleure combustion.
Mentionnons également l’investissement en 2016 dans la centrale de cogénération Biomont qui récupère du biogaz émanant du site d’enfouissement de l’ancienne carrière Miron sur le site du Complexe environnemental St-Michel (« CESM ») et le convertit en électricité (4,8 MW), pour alimenter environ 2000 foyers à Montréal. Le système mis en place récupère aussi la chaleur émise par ses génératrices afin de pourvoir aux systèmes de chauffage à eau chaude de la Tohu et du Cirque du Soleil. Il s’agissait alors d’un premier projet de biogaz mené à bien par le groupe Éolectric et d’un partenariat avec la Ville de Montréal. Cette valorisation des biogaz contribue toujours à l’atteinte des cibles en matière d’énergie renouvelable et de réduction des gaz à effet de serre au Québec.
Le gaz naturel renouvelable, ou la naissance d’une filière transformative
Un exemple probant de la transition énergétique qui s’opère au Québec est la naissance de la filière du gaz naturel renouvelable.
Au Québec, nos sources de production d’électricité à très faible impact environnemental sont déjà nombreuses. Cependant, elles ne répondent pas à tous les besoins immobiliers et industriels. Ainsi, selon les plus récentes données de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie HEC Montréal, la consommation énergétique des bâtiments commerciaux et institutionnels est assurée à 43 % par le réseau électrique et à 40% par le réseau de gaz naturel. Dans le cas des industries, 49% de la consommation est de source électrique, 23 % de source gazière et 12% de source pétrolière. Il y a donc place ici à l’amélioration.
Puisque le gaz naturel conventionnel est un combustible fossile présent sous forme gazeuse, son extraction contribue automatiquement à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Une nouvelle filière promet de réduire cet impact environnemental, soit celle du gaz naturel renouvelable (GNR). Au lieu d’être extrait du sous-sol, le GNR est un biogaz qui provient de la fermentation de sédiments organiques naturels par des bactéries qui s’y trouvent. On comprend qu’il ne s’agit pas ici d’utiliser du gaz fossile dont la combustion ajouterait au volume de CO2 présent dans l’atmosphère, mais d’utiliser un biogaz, en l’occurrence le méthane, qui est naturellement produit dans ces sédiments pour le circulariser comme source d’énergie renouvelable. Purifié à partir des émanations bactériennes, le méthane constitue un gaz naturel renouvelable pouvant être injecté, en respectant certaines normes, dans le réseau gazier. Comme l’effet de serre du méthane est plus dommageable que celui du CO2, le capter permet en outre de réduire les émissions de GES.
Cette nouvelle filière a un grand potentiel structurant, puisqu’elle pourra générer des emplois, de nouveaux revenus pour les détenteurs de matières organiques et qu’elle s’inscrit dans la lutte contre changements climatiques. Fondaction et plusieurs de ses alliés collaborent d’ailleurs à la production du premier Forum GNR, qui aura lieu en novembre 2020, organisé par BiogasWorld avec l’appui de Fondaction et d’Énergir à titre de partenaires stratégiques. Le 26 novembre dernier, les principaux acteurs de la filière GNR au Québec se sont réunis une première fois au Carrefour financier solidaire, l’immeuble de Fondaction, afin de lui donner une véritable impulsion.
Pour Fondaction, le GNR s’inscrit dans une stratégie circulaire ayant un impact positif sur l’environnement, la biodiversité, l’emploi et le développement régional. Cela contribue à la transformation positive de l’économie à la grandeur du territoire québécois. Il est donc naturel pour nous de participer à la viabilité d’une telle filière et d’un tel marché.
À cet égard, il faut saluer la vision du gouvernement et du MERN qui ont su établir avec la Régie de l’énergie des tarifs qui pavent la voie à de nombreuses initiatives innovantes, tant sur le plan technique que financier. Si la technique et le financement peuvent être structurants, le cadre réglementaire l’est tout autant.
Qu’il s’agisse de cibler la transformation des matières organiques qu’on détourne des sites d’enfouissement municipaux pour les revaloriser, de mobiliser les grandes industries afin de récupérer et transformer le méthane provenant des résidus forestiers ou encore de réseauter et d’équiper le milieu agricole afin de procéder à la biométhanisation des lisiers et fumiers, toutes ces mesures contribueront de manière significative à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et ce dans de nombreuses régions du Québec.
Une avancée dans le secteur agricole
Dans le cas du secteur agricole, le traitement des lisiers par biométhanisation permet non seulement de produire du biogaz, mais aussi de réduire la charge organique (et les odeurs qui en émanent) ainsi que les agents pathogènes du digestat, le résidu solide du processus servant, lui, de fertilisant. Par la biométhanisation, on obtient donc aussi un fertilisant duquel on a extrait la majorité des contaminants susceptibles d’affecter les eaux de surface et les eaux souterraines. Très bientôt, Fondaction et la Coop Carbone annonceront une première initiative dans ce domaine au Québec.
L’essentielle bourse du carbone
On peut penser que l’étape que nous sommes en train de franchir aura éventuellement des répercussions sur les protocoles de quantification de la bourse du carbone au Québec, ce qui donnerait lieu à l’émission de crédits compensatoires, non seulement pour les mesures de réduction de GES sur les sites d’enfouissements municipaux (comme c’est le cas en ce moment), mais aussi pour des interventions ciblant le secteur agricole. La bourse du carbone constitue un levier financier sur lequel Fondaction a déjà prise, puisque nous sommes à l’origine de la création de la Coop Carbone avec laquelle nous avons initié le Fonds Inlandsis.
Le sentiment d’urgence qui anime les différents acteurs socioéconomiques doit inciter ceux-ci à créer de nouveaux partenariats, à mettre en action des expertises et des forces complémentaires au sein d’une économie plurielle, où l’État, le privé et l’économie sociale ont chacun un rôle déterminant à jouer.
Le contexte d’urgence climatique dans lequel nous devons intervenir nous impose non seulement d’agir sur le plan de la transition énergétique et de la réduction des émissions de GES, mais aussi de savoir comment mieux innover et interagir.