L’épargne intentionnelle conjuguée au féminin
Originalement publié sur le site d’ÉducÉpargne
Un récent sondage de Léger révèle que la peur de manquer d’argent (51 %) et les changements climatiques (49 %) sont présentement parmi les trois plus grandes sources d’anxiété chez les Québécois et les Québécoises. Ces pourcentages sont encore plus élevés pour la tranche des 35-54 ans – celles et ceux-là mêmes qui devraient être en train de mettre de l’argent de côté pour leur retraite.
Avec le coût de la vie qui augmente sans cesse, beaucoup peinent à joindre les deux bouts, alors l’idée même de mettre de l’argent de côté pour ses vieux jours semble assez rébarbative. S’ajoutent à cela plusieurs inégalités sociales affectant spécifiquement les femmes. Une crise de la retraite nous guette et elle pourrait affecter davantage la gent féminine. D’ailleurs, selon l’Observatoire québécois des inégalités, une femme aînée reçoit en ce moment 0,69 $ pour chaque dollar reçu par un homme aîné.
Au Québec, en 2023, l’espérance de vie des femmes était plus élevée (84,3 ans) que celles des hommes (80,7 ans). Par contre, l’Institut de la statistique du Québec nous révèle qu’en 2021, les femmes prenaient leur retraite vers l’âge de 62,2 ans (en comparaison aux hommes qui la prenaient en moyenne vers 64,8 ans). Les femmes vivent donc en moyenne plus longtemps et prennent leur retraite plus tôt. Cependant, toujours selon les données de 2021, ce sont 60.7 % des femmes âgées de 65 ans et plus qui gagnaient 44 999 $ ou moins contre 38.9 % des hommes du même âge.
Vient donc le besoin de réfléchir sur l’épargne au féminin et les incitatifs potentiels qui pourraient être attrayants, porteurs de sens et accessibles pour les femmes.
L’épargne intentionnelle – la voie vers la tranquillité d’esprit?
Est-ce vraiment possible de préparer notre retraite, malgré des revenus modestes, tout en préservant, voire améliorant, le monde dans lequel nous la prendrons, le monde dans lequel nos enfants travailleront, celui dans lequel nos petits-enfants grandiront?
Oui, c’est possible.
Mais d’abord, qu’est-ce que l’épargne intentionnelle?
L’épargne intentionnelle, c’est mettre de l’argent de côté tout en respectant ses valeurs et ses priorités. Il s’agit donc non seulement d’épargner avec des objectifs spécifiques de retraite en tête, mais de participer aussi à préparer le monde dans lequel nous prendrons cette retraite.
Appliquons le principe aux changements climatiques, qui sont une source d’anxiété importante pour les Québécois et encore plus pour les Québécoises. Les femmes sont en effet, selon le Baromètre de l’action climatique, plus préoccupées et proactives en matière de lutte contre les changements climatiques. De ce cas précis, épargner intentionnellement signifierait donc que vous choisiriez de placer votre argent de manière à soutenir des initiatives ou des entreprises qui ont un impact positif sur l’environnement, qui accélèrent la transformation positive de l’économie et respectent les limites de notre planète.
Comment dois-je m’y prendre pour réconcilier épargne et valeurs?
Voici quelques actions qui peuvent faire beaucoup de chemin :
1. Faites travailler votre argent. Commencez à épargner pour votre retraite, car même s’il n’est jamais trop tard, le plus tôt, c’est le mieux. En cotisant tôt, non seulement vous préparez votre retraite, mais vous participez aussi à façonner notre avenir.
2. Donnez du sens à votre épargne. Assurez-vous que votre argent serve des causes qui vous tiennent à cœur. Vous pourriez par exemple vouloir vous assurer que votre épargne ne soit jamais investie dans des entreprises qui possèdent ou exploitent des réserves d’énergies fossiles. Vous pourriez plutôt préconiser, notamment, des entreprises qui participent à la transition énergétique et à la lutte contre les changements climatiques.
Nous parlons donc de finance engagée.
Souvent dans le milieu de la finance engagée, les investissements peuvent être évalués, puis classés selon l’une des quatre catégories suivantes :
Les investissements responsables sont évalués selon une grille d’analyse ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans une perspective de gestion de risques, tout en cherchant à produire un rendement financier. Ils reposent également sur une approche d’exclusion qui élimine plusieurs secteurs d’activité jugés néfastes pour la société et l’environnement, comme la possession et l’exploitation de réserves d’énergie fossile ou la production et la commercialisation d’armement ou de matériel militaire offensif.
Les investissements durables vont au-delà de l’intégration des critères ESG. Ils visent à investir dans les entreprises dont le modèle d’affaires est durable et dont les produits et services contribuent à un ou plusieurs des 17 Objectifs de développement durable de l’ONU.
Les investissements d’impact sont évalués sur la base de trois piliers : l’intentionnalité (intention de générer un impact social et environnemental positif) / l’additionnalité (grâce à l’investissement, l’entreprise augmentera son impact) / la mesure d’impact (réalisation d’un bilan carbone par exemple).
Enfin, les investissements structurants viennent corriger un problème du marché. Par exemple, la crise d’accès à la propriété a amené la création de coopératives de propriétaires permettant l’accès à la propriété et la démarchandisation de l’immobilier.
3. Posez des questions et faites connaître vos priorités. Intéressez-vous à ce qui est fait avec votre épargne. Cinq grandes banques canadiennes figurent dans la liste 2023 des plus grands bailleurs de fonds de projets d’énergies fossiles, totalisant des sommes de 142 milliards de dollars. Il y a donc encore du travail à faire. N’hésitez pas à faire savoir à votre institution financière que vous ne souhaitez pas qu’elle investisse dans la destruction de la planète.
4. Parlez-en autour de vous. Le changement passe par une évolution de la norme sociale. Plus on entend parler de quelque chose, plus on voit des gens agir d’une certaine façon, plus ce changement est “normalisé”. Il en va de même pour la justice sociale, la protection de l’environnement et la bonne gouvernance.